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Investissements étrangers en France (IEF) : Renforcement du contrôle et extension des secteurs stratégiques

En bref

Le contexte : Dans un contexte général de renforcement du contrôle des investissements étrangers, notamment au niveau européen, le Parlement français approfondit les modalités de contrôle et élargit le champ d'autorisation des IEF en France.

Les faits : Ce renforcement intervient à l'occasion du vote de la loi PACTE, prévu pour le début de l'année 2019, et par décret du 29 novembre 2018 entrant en vigueur le 1er janvier 2019.

A venir : La loi PACTE va accroître les pouvoirs de l'administration de contrôle et de sanction des IEF. Le Parlement réalisera son propre contrôle sur l'activité du Gouvernement en la matière.


Réglementation actuelle des IEF

Le code monétaire du financier (art. L. 151-3 et suivants) identifie aujourd'hui 12 secteurs d'activités pour lesquels les investissements étrangers sont soumis à autorisation préalable de l'Etat. Ces secteurs sont tous rattachables à l'ordre public, à l'autorité publique, à la sécurité publique (définie de manière large en incluant notamment les secteurs de l'énergie, de l'eau, des télécommunications, des transports et de la santé) ou aux intérêts de la défense nationale.

Est qualifié comme « investissement » pour l'application de la réglementation des IEF : l'acquisition du contrôle (art. L. 233-3 code de commerce) d'une société, l'acquisition de tout ou partie d'une branche d'activité, le franchissement du seuil de 33,33% de détention du capital ou des droits de vote.

Au titre de la réglementation des IEF, le Ministre chargé de l'Economie peut actuellement, soit autoriser l'opération—avec ou sans conditions—soit la refuser. Dans tous les cas, la décision doit être préalable à la réalisation de l'investissement. L'octroi des autorisations comme le suivi des engagements sont pilotés par la Direction du Trésor en lien avec les administrations concernées.

Extension prochaine des secteurs contrôlés

Le décret n° 2018-1057 du 29 novembre 2018 ajoute, à compter du 1er janvier 2019, de nouveaux secteurs à ceux actuellement définis : opérations spatiales, systèmes électroniques et informatiques spécifiques nécessaires pour l'exercice des missions de sécurité publique, activités d'hébergement de données et activités de recherche et de développement dans les domaines suivants : cybersécurité, intelligence artificielle, robotique, fabrication additive, semi-conducteurs, biens et technologies à double usage énumérés à l'annexe I du règlement européen n° 428/2009 du 5 mai 2009.

D'autres secteurs font l'objet d'une extension de leur champ d'appréciation, et notamment : (i) l'interception des correspondances, la détection à distance des conversations ou la captation de données informatiques, (ii) sécurité des systèmes d'information, (iii) activités relatives aux armes, munitions, poudres et substances explosives destinées à des fins militaires ou aux matériels de guerre et assimilés et (iv) intégrité, sécurité et continuité d'exploitation des systèmes d'informations d'opérateurs sensibles. Cette liste n'est pas limitative, l'administration conservant la maîtrise de l'interprétation de la notion d'« intérêts nationaux » qui préside à l'inclusion d'un secteur dans le champ du contrôle.

Extension de l'accès à la demande de rescrit

L'entreprise exerçant les activités objet de l'investissement (la cible) peut elle-aussi solliciter un rescrit. Par exception, cette disposition est déjà en vigeur.

Extension des motifs de refus d'un IEF

A compter du 1er janvier 2019, les motifs pour lesquels le Ministre chargé de l'économie pourra refuser un IEF sont élargis, en particulier lorsque la protection des données ne serait pas garantie.

Renforcement significatif des pouvoirs de l'administration en cas de réalisation d'un IEF sans autorisation

Lorsqu'une opération aura été réalisée sans autorisation préalable, le ministre chargé de l'économie pourra enjoindre à l'investisseur (possiblement sous astreinte) : (i) de déposer une demande d'autorisation a posteriori, (ii) de rétablir à ses frais la situation antérieure, (iii) de modifier l'investissement. Le ministre disposera également du pouvoir de prendre les mesures conservatoires suivantes : (i) suspension des droits de vote attachés aux titres dont la détention aurait dû faire l'objet d'une autorisation préalable, (ii) interdiction ou limitation de la distribution de dividendes attachés à ces titres, (iii) suspension, restriction ou interdiction temporaire de la libre disposition des actifs liés aux activités soumises à autorisation et (iv) désignation d'un mandataire dans l'entreprise pouvant faire obstacle à toute décision des organes sociaux susceptible de porter atteinte aux intérêts nationaux.

Renforcement des pouvoirs de l'administration en cas de non-respect des conditions encadrant un IEF

Si l'investisseur ne respecte pas les conditions dont est assortie son autorisation, le ministre chargé de l'Economie pourra : (i) enjoindre à l'investisseur de respecter les conditions dans un délai fixé, (ii) enjoindre à l'investisseur d'exécuter des prescriptions en substitution des conditions non-respectées y compris le rétablissement de la situation antérieure au non-respect des conditions ou la cessation des activités concernées et (iii) retirer l'autorisation et imposer à l'investisseur de solliciter une nouvelle autorisation.

L'ensemble des décisions prises par l'administration dans le cadre de ces nouvelles dispositions pourra faire l'objet de recours de plein contentieux devant le juge administratif.

Durcissement des sanctions

Le projet de loi prévoit des sanctions pécuniaires accrues en cas de réalisation de l'investissement sans autorisation, d'obtention de l'autorisation par fraude ou de manquement aux engagements ou d'inexécution des injonctions. Ces sanctions sont plafonnées au plus élevé de ces montants : le double du montant de l'investissement irrégulier, 10 % du chiffre d'affaires annuel hors taxes de l'entreprise objet de l'investissement, 5 millions d'euros pour les personnes morales et un million d'euros pour les personnes physiques. L'obtention d'une autorisation par fraude constitue par ailleurs un délit puni de 2 ans d'emprisonnement et 30 000 € d'amende.

Contrôle du Parlement sur les IEF

Le ministre chargé de l'Economie devra rendre publiques chaque année les principales statistiques relatives aux IEF. De plus il sera créé une délégation parlementaire à la sécurité économique composée de 8 députés et 8 sénateurs chargée de contrôler l'action du Gouvernement en matière de protection des intérêts économiques de la France en particulier concernant les IEF. Cette délégation établira chaque année un rapport public dressant le bilan d'activité.


Les quatre points importants à retenir

  1. Poursuite du renforcement du contrôle des IEF en France.
  2. Le décret du 29 novembre 2018 étend : la liste des secteurs relevant de la procédure d'autorisation des IEF, les motifs de refus des IEF et aux sociétés cibles la possibilité de saisir l'administration d'une demande de rescrit.
  3. Accroissement des pouvoirs de l'administration pour le contrôle des IEF et en particulier : injonctions, mesures conservatoires (notamment interdiction temporaire de la libre disposition des actifs et nomination d'un mandataire dans l'entreprise), contrôle du respect des engagements et sanctions administratives et pécuniaires.
  4. Création d'un contrôle parlementaire sur l'activité gouvernementale en matière d'autorisation des IEF.

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