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La Cour de cassation adopte une conception restrictive du secret professionnel

La Cour de cassation, à l’inverse de la Cour de justice de l’UE, adopte une nouvelle fois une conception restrictive du secret professionnel.

Le 24 septembre 2024, la chambre criminelle de la Cour de cassation a rendu un arrêt remarqué en matière d’opposabilité du secret professionnel en cas de visite domiciliaire (pourvoi n° 23-84.244). A cette occasion, la Cour de cassation a rejeté le pourvoi d’une société qui contestait la saisie de documents réalisée lors d’une visite domiciliaire en matière de droit de la concurrence, fondée sur l’article L. 450-4 du Code de commerce.

Plus particulièrement, la société contestait la saisie de documents couverts par le secret des correspondances entre l’avocat et son client. En outre, elle reprochait à la direction régionale de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités (DREETS) de ne pas avoir appliqué l’article 56-1-1 du Code de procédure pénale lors de la visite domiciliaire. Cette disposition (issue de la loi n° 2021-1729 pour la confiance dans l’institution judiciaire) a introduit une nouvelle procédure permettant à la personne faisant l’objet d’une perquisition pénale de s’opposer à la saisie de documents qu’elle estime couverts par le secret des correspondances entre l’avocat et son client : les documents sont alors placés sous scellé fermé, font l’objet d’un procès-verbal indépendant dressé par les officiers de police judiciaire conduisant la perquisition et sont transmis sans délai au juge des libertés et de la détention, qui devra statuer par une ordonnance motivée sous cinq jours à compter de la réception des éléments précités.

Aux termes de sa décision, la Cour de Cassation a adopté une interprétation très restrictive du secret professionnel en jugeant que :

 

  • Les correspondances entre l’avocat et son client peuvent être saisies lors d’opérations de visite en matière de concurrence dès lors qu’elles ne relèvent pas de l’exercice des droits de la défense.
  • En cas de contestation sur la nature des éléments saisis, il appartient à la société d’identifier précisément les correspondances qu’elle estime relever de l’exercice des droits de la défense.
  • La procédure instaurée par l’article 56-1-1 du Code de procédure pénale est applicable aux perquisitions pénales et non aux visites domiciliaires en matière de droit de la concurrence.

Cette décision semble être en contradiction avec un arrêt récent de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE), dans lequel la CJUE a affirmé que le secret professionnel entre l'avocat et son client constitue un droit garanti par l'article 7 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne opposable, en l’espèce, à l’administration fiscale luxembourgeoise. Selon la CJUE, la protection recouvre non seulement l’activité relevant de l’exercice des droits de la défense mais également les consultations juridiques. Dès lors que les arrêts de la CJUE s'imposent en France en vertu du principe de primauté du droit de l'Union européenne sur le droit national, la Cour de cassation pourrait être amenée à faire évoluer sa position dans les nombreux domaines où le droit de l'Union européenne s'applique conjointement aux procédures nationales. En outre, l'arrêt de la CJUE se fonde non seulement sur le droit de l'Union européenne, mais également sur la Convention européenne des droits de l'homme. Aussi, la Cour de cassation pourrait opérer un revirement de jurisprudence à la suite de requêtes individuelles introduites contre la France devant la Cour européenne des droits de l'homme à Strasbourg.

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