Un nouveau décret modifie les moyens de protection des documents confidentiels lors d’une saisie-contrefaçon
En Bref
Contexte: Le décret n° 2018-1126 du 11 décembre 2018, relatif à la protection des secrets des affaires, pris en application de la loi n° 2018-670 du 30 juillet 2018, instaure des règles visant à préserver les secrets des affaires dans le cadre d’instances civiles ou commerciales et modifie sensiblement les règles de protection de la confidentialité des pièces appréhendées lors d’opérations de saisie-contrefaçon.
Aller plus loin: La jurisprudence à venir sur l’articulation entre les différents régimes devra être suivie attentivement.
Nouvelles dispositions
Le décret du 11 décembre 2018 introduit notamment un article R. 153-1 dans le code de commerce qui autorise le juge ordonnant des mesures d’instruction sur le fondement de l’article 145 du code de procédure civile, à ordonner d’office le placement sous séquestre provisoire des pièces demandées afin d’assurer la protection des secrets des affaires qu’elles peuvent contenir ; il modifie aussi les articles R. 521-2, R. 615-2, R. 623-51, R. 716-2 et R. 722-2 du code de la propriété intellectuelle pour donner les mêmes pouvoirs au juge autorisant des saisies-contrefaçon.
Lorsque le juge fait usage de ces nouveaux pouvoirs, le décret règlemente de manière précise le sort des pièces appréhendées en distinguant selon que le juge est saisi, ou non, d’une demande de modification ou de rétractation de son ordonnance.
Si le juge n’est pas saisi d’une demande de modification ou de rétractation de son ordonnance dans le mois suivant la signification de sa décision, la mesure de séquestre provisoire est levée et les pièces sont transmises au requérant.
Si le juge est saisi d’une demande de modification ou de rétractation dans le délai précité, il est compétent pour statuer sur la levée totale ou partielle de la mesure de séquestre et il doit le faire en suivant une procédure instituée par le nouvel article R. 153-3 du code de commerce.
Selon cette nouvelle procédure, il appartient à la partie qui invoque la protection du secret des affaires, a priori donc à la partie saisie, de remettre au juge :
- la version confidentielle intégrale de cette pièce ;
- une version non confidentielle ou un résumé ;
- un mémoire précisant, pour chaque partie du document, les raisons pour lesquelles la confidentialité doit être assurée.
Coexistence avec les autres dispositions antérieures
Ces nouvelles règles devraient coexister avec la pratique antérieure et les autres dispositions du code de la propriété intellectuelle.
En particulier, en l’absence de disposition spécifique dans l’ordonnance de saisie-contrefaçon instituant un séquestre provisoire en application du nouveau texte, la partie saisie peut toujours demander à l’huissier instrumentaire de placer les documents confidentiels litigieux sous enveloppe scellée et de ne pas les remettre au saisissant.
Et si cela n’a pas été demandé pendant la saisie, une partie peut toujours demander au juge de prendre des dispositions nécessaires à la préservation de la confidentialité des pièces, sur le fondement des articles R. 521-5, R. 615-4, R. 623-53-1, R. 716-5 et R. 722-5 du code de la propriété intellectuelle.
Dans le cadre de la mise en œuvre de ces dispositions antérieures, il revient au saisissant de prendre l’initiative de saisir le juge (le Président ou le Juge de la mise en état) pour obtenir la remise des documents saisis mis sous scellés et il n’existe aucune levée automatique des scellés comparable à celle prévue par le nouveau texte.
En revanche, la procédure de levée des scellés prévue à l’article R. 153-3 du code de commerce devrait s’appliquer à toutes les demandes de levée des scellés, y compris celles faites sur le fondement des articles R. 521-5, R. 615-4, R. 623-53-1, R. 716-5 et R. 722-5 précités.
Compte tenu l’importance du contentieux de la saisie-contrefaçon, il est fort probable que les tribunaux auront à examiner l’articulation entre les anciennes et les nouvelles dispositions.
Les nouvelles dispositions semblent toutefois équilibrées en ce que:
- la protection des secrets des affaires de la partie subissant la saisie-contrefaçon est davantage assurée avec une ordonnance prévoyant dès le départ la mise sous séquestre des documents confidentiels ;
- la saisine du juge devra être réalisée dans le mois de la saisie-contrefaçon, obligeant ainsi la partie saisie à se prononcer rapidement sur ses intentions et sur la confidentialité alléguée, ce qui permettra peut-être une remise plus rapide, au requérant, des documents confidentiels utiles à la preuve de la contrefaçon.
Les Deux Point à Retenir
- Les parties présentant des requêtes aux fins de saisie-contrefaçon doivent s’interroger sur l’opportunité de suggérer l’application des nouvelles dispositions concernant le séquestre provisoire des pièces saisies.
- Les parties saisies qui demandent le placement sous scellés des documents appréhendés doivent suivre la procédure adaptée et notamment agir dans le mois de la saisie en cas d’application des nouvelles dispositions, pour éviter la mainlevée automatique du séquestre provisoire.