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La Juridiction Unifiée Du Brevet : Une Juridiction Attractive Aussi Pour Les PME

En bref

Le contexte : La Juridiction Unifiée du Brevet ("JUB") et le brevet unitaire – entrés en vigueur en juin 2023 – ont été créés à la demande de l’industrie européenne, afin de bénéficier d’un titre unique (le brevet unitaire) couvrant le territoire de plusieurs États membres de l’Union Européenne (18 États à ce jour), et d’une juridiction unifiée (la JUB) compétente pour sanctionner la contrefaçon et apprécier la validité des brevets sur l’ensemble de ces territoires. Ces deux systèmes ont notamment été conçus pour permettre aux PME de faire respecter plus efficacement et rapidement leurs droits.

Le résultat : Avec plus de 500 affaires engagées dans les 17 premiers mois de la JUB, dont environ 20 % à l’initiative de PME, on constate que celles-ci se sont pleinement saisies de ces deux outils. Il est intéressant de s’interroger sur les facteurs expliquant cet intérêt, ainsi que les perspectives – et défis – que cette évolution ouvre en particulier pour les PME.

Aller plus loin : Le rythme auquel la JUB rend ses décisions – lequel ne fait que croître – et les nuances qui caractérisent déjà sa jurisprudence selon les divisions locales concernées, imposent aux PME et à leurs décideurs juridiques de s’intéresser de façon soutenue à ce nouvel outil, s’ils souhaitent en tirer avantage et ne pas se laisser surprendre. Cet investissement est indispensable car, à l’issue de la période dite « transitoire » devant s’achever en 2030, la JUB deviendra seule compétente pour le contentieux concernant les brevets unitaires et européens, les juridictions nationales ne conservant leur compétence que pour les brevets nationaux.

Rappel du contexte et constat de l’intérêt des PME pour la JUB

La Juridiction Unifiée du Brevet (JUB) et le brevet unitaire ont été créés à la demande de l’industrie européenne, afin de bénéficier d’un titre unique (le brevet unitaire) couvrant le territoire de plusieurs États membres de l’Union Européenne (18 États à ce jour), pour un coût correspondant au prix de validation d’un brevet européen dans environ 4 pays, et pour pouvoir opposer les brevets européens et ces brevets unitaires sur l’ensemble des territoires couverts par ces titres, au moyen d’une seule procédure, devant une juridiction unique (la JUB) commune aux États membres de l’UE participant à ce système. Le brevet unitaire et la JUB sont entrés en vigueur le 1er juin 2023 et le nombre d’États membres participants, 18 à ce jour, est voué à augmenter jusqu’à possiblement 24 États de l’Union Européenne.

Un an et demi après l’entrée en vigueur de ces deux systèmes, on constate que les entreprises, y compris les PME/PMI se sont pleinement saisies de ces deux outils. Près de 30 % des brevets européens nouvellement délivrés le sont sous la forme de brevets unitaires et le nombre d’actions engagées devant la JUB au cours des 17 premiers mois d’exercice excède les prévisions de la juridiction (538 affaires à fin octobre 2024).

En outre, plus de 30 % des brevets unitaires demandés par des entreprises européennes l’ont été par des PME et environ 20 % des actions engagées devant la JUB l’ont été par des PME – l’Office Européen des Brevets a lui-même insisté sur cette tendance très marquée : « Particularly noteworthy is the uptake rate of 35.5% Unitary Patents registered by SMEs among the European proprietors in 2023, showing their awareness of the benefits in terms of reduced costs, broader country coverage, and simplified procedures. ».

Enfin, toutes les ordonnances de saisie-contrefaçon (appelées « mesure de conservation des preuves » devant la JUB) rendues par la JUB l’ont été au profit de PME : les PME ont donc parfaitement mesuré l’intérêt que cette puissante mesure probatoire peut avoir pour elles en leur permettant de rassembler efficacement la preuve d’une contrefaçon qu’elles suspectent.

Le succès de la JUB et du brevet unitaire est d’autant plus significatif qu’il faut rappeler que les entreprises ne sont pas obligées d’adhérer à ces deux nouveaux systèmes : le recours au brevet unitaire demeure une option qui s’ajoute aux brevets européens et aux brevets nationaux, ces différents titres pouvant d’ailleurs être cumulés sur certains territoires, comme en France et en Allemagne. De même, les entreprises qui ne souhaitent pas que leurs brevets soient soumis à la JUB peuvent retirer leurs brevets européens de la compétence de la JUB – en effectuant un opt-out lequel est gratuit – et ainsi réserver le contentieux aux juridictions nationales.

Les raisons du succès

L’intérêt manifesté spécifiquement par les PME montre que ces dernières voient cette nouvelle juridiction et ce nouveau titre, plutôt comme une opportunité que comme un risque.

Plusieurs facteurs peuvent expliquer cet intérêt :

  • la rapidité de la procédure devant la JUB (12 mois en moyenne) confère un avantage incontestable au demandeur, quelle que soit sa taille, et réduit l’insécurité et le coût résultant de procédures plus longues et parfois menées dans plusieurs pays en parallèle ; le délai moyen d’obtention d’un jugement au fond étant d’environ 12 mois comme le prévoit l’Accord JUB ;
  • la qualité des décisions rendues par la JUB, notamment grâce aux juges spécialisés en matière de brevets et à la présence de juges à qualification technique, devrait assurer une meilleure prévisibilité du résultat de la procédure et offrir la garantie que même les points les plus complexes et/ou techniques seront analysés de façon approfondie ;
  • la couverture territoriale importante de la JUB (18 États à ce jour) permet de faire cesser la contrefaçon sur l’ensemble du territoire couvert par le titre invoqué, par une seule décision et au terme d’une seule procédure judiciaire ; elle démultiplie par ailleurs les dommages et intérêts pouvant être escomptés et confère au demandeur un levier de négociation important pour négocier une éventuelle transaction en cours de procès ; pour certaines industries, l’étendue territoriale couverte par la JUB est d’ailleurs une condition déterminante à l’engagement d’une procédure judiciaire, le contentieux dans un État étant parfois insuffisamment dissuasif ou insuffisamment rentable ;
  • le coût du suivi d’une procédure devant la JUB qui, s’il est généralement supérieur au coût du suivi d’un contentieux dans un seul pays, est en revanche inférieur au coût cumulé de plusieurs procédures nationales ; la faculté de choisir la langue de la procédure est également un avantage important pour une PME engageant une action, car elle lui permettra de mener le litige dans la langue maternelle de sa direction et de ses conseils habituels, ce qu’elle ne pourra faire en cas de contentieux multiples engagés ou subis devant plusieurs juridictions nationales ;
  • la JUB dispose de règles adaptées prévoyant le remboursement par la partie perdante d’une partie des frais de justice engagées par la partie gagnante ; les PME peuvent ainsi espérer diminuer le coût d’une action en justice, en plus des dommages-intérêts escomptés, en cas de reconnaissance de la contrefaçon.

Les perspectives et les enjeux

L’intérêt du nouveau système dépasse les frontières européennes. En effet, tous les titulaires des brevets, quelle que soit leur nationalité, ont pris la mesure du potentiel du brevet unitaire et de la JUB, s’y intéressent, et les intègrent dans leur stratégie, augmentant ainsi l’importance relative de l’UE dans les stratégies mondiales de dépôt et de contentieux.

Les avocats spécialisés et les mandataires en brevets connaissent parfaitement le nouveau système et peuvent aider les entreprises à évaluer les avantages et inconvénients, pour construire des stratégies de dépôt et de contentieux efficaces et adaptés aux besoins variés de leurs clients.

La jurisprudence de la JUB, en cours de construction, sera assurément déterminante pour affiner les stratégies et gagner encore en efficacité et en prévisibilité, en fonction des besoins de chacun, y compris des PME/PMI.

Il est donc probable que l’intérêt des entreprises – en particulier des PME – pour la JUB ne cesse de croître, au fur et à mesure que la pratique et la jurisprudence de la JUB se développent et renforcent la confiance en cette nouvelle juridiction.

Toutefois, le rythme auquel la JUB rend ses décisions – lequel ne fait que croître – et les nuances qui caractérisent déjà sa jurisprudence selon les divisions locales concernées, imposent aux PME et à leurs décideurs juridiques de s’intéresser de façon soutenue à ce nouvel outil, s’ils souhaitent en tirer avantage et éviter d’être surpris s’ils y sont poursuivis.

Cet investissement est d’autant plus nécessaire que, à l’issue de la période dite « transitoire » devant s’achever en 2030, la JUB deviendra seule compétente pour les brevets unitaires et européens (l’opt-out ne sera plus possible), les juridictions nationales ne conservant de compétence que pour les brevets nationaux.

LES QUATRE POINTS IMPORTANT À RETENIR

  1. Les caractéristiques de la JUB (rapidité et qualité des décisions, large couverture territoriale et coûts maitrisés) en font un outil particulièrement adapté pour les entreprises de toutes tailles ayant besoin de faire respecter efficacement et rapidement leurs brevets en Europe.
  2. Avec plus de 500 affaires engagées dans les 17 premiers mois de la JUB, dont environ 20 % à l’initiative de PME, celles-ci se sont pleinement saisies de ces deux outils ; il est probable que l’intérêt des PME pour la JUB ne cesse de croître.
  3. Les PME et leurs décideurs juridiques doivent s’intéresser de façon soutenue à ce nouvel outil, s’ils souhaitent en tirer avantage et éviter d’être surpris s’ils y sont poursuivis.
  4. Cet effort est indispensable car, à l’issue de la période dite « transitoire » devant s’achever en 2030, la JUB deviendra seule compétente pour les brevets unitaires et européens, les juridictions nationales ne conservant de compétence que pour les brevets nationaux.

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